LIONEL TRÉBOIT
Texte du catalogue de l'exposition
BEAUBOURG,
LE REGARD NOMADE
Beaubourg, est un lieu magique dédié à l’art. On le découvre en nous promenant librement, comme bon nous semble, entre la ville, le parvis et le musée. L'art à Beaubourg ne pourrait exister sans les visiteurs et le cheminement de leur regard. Ce sont ces regards nomades qui se baladent entre les œuvres, dans les salles du musée ou hors les murs, que j'ai tenté de saisir.
Dans les galeries du musée, les œuvres s'animent d'une vie nouvelle au contact des visiteurs. Dans Regard nomade, Beaubourg, l'opposition entre les personnages figurés et les formes abstraites des œuvres dynamise l'espace pictural. Dans Exposition Mondrian-Nocturne, les œuvres reculent ou avancent suivant le mouvement des visiteurs. Quand un visiteur passe devant un tableau, l'image peinte gagne en intensité, semble s'échapper de la surface picturale.
Dans Le Minotaure, Beaubourg, la lumière émane des murs du musée, projetant les œuvres et les visiteurs au premier plan de la toile. Le mur s'apparente à un écran, l'espace pictural devient cinématographique. Parfois, le regard d'un passant ou d'un visiteur nous épingle et semble percer la toile peinte. Par ce regard, le spectateur du tableau est invité au cœur de la composition picturale et en devient partie intégrante.
Du parvis, le Centre Georges-Pompidou m'évoque un jeu de Mikado. Comme l'entrelacs des baguettes du Mikado, l'imbrication des poutres suggèrent "l'éclatement" de la structure.
Dans Le Parvis de Beaubourg, j'ai renforcé le graphisme de l'ossature, ce qui m'a permis de faire ressortir la dynamique de l'architecture du Centre. A sa base, la foule mouvante semble naître de l'ossature même pour s'évaporer aussitôt, entre l'ombre du parvis et l'architecture lumineuse du Centre. À Beaubourg, on monte au ciel en empruntant l'escalator. On s'engage sur la première marche comme si on allait faire un tour de toboggan, avec un petit peu de cette excitation fébrile des enfants pas sages. On guette le moment où l'on émerge de l'horizon des toits de Paris… Et hop! l'espace vacille, notre regard chavire. En contrebas, les badauds minuscules semblent à portée de main. A travers le plexiglas, on pourrait presque les écraser avec le doigt. Après avoir goûté au vide des grands espaces extérieurs, c'est en titubant légèrement que l'on accède enfin aux collections à l'intérieur du musée.
Le centre Beaubourg est ancré dans la ville. Dans l'ombre de la rue du Renard, le blanc phosphorescent des cheminées du centre est comme un signal dans la ville, contre lequel se profilent, quelques instants, des passants furtifs. En tournant dans la rue Saint-Merri, mon regard est happé par la façade transparente du Centre Pompidou. L'intérieur du Centre, les reflets sur les vitres et les passants dans la rue se confondent en un seul espace. J'ai l'impression d'être dedans alors que je suis dehors. Etrange sensation. Juste en face, la fontaine Stravinsky exulte devant la sombre église Saint-Merri. Les sculptures de Niki de Saint-Phalle s'offrent comme des friandises à notre regard d'enfant. Prisonniers de leur mouvement perpétuel, les automates de Tinguely accompagnent le temps qui passe et quand des musiciens s'invitent devant cette fontaine enchantée, le réel devient magique.
Dans ‘‘Beaubourg, le regard nomade’’ j'ai voulu capter le va-et-vient des visiteurs, leurs cheminements aléatoires entre intérieur et extérieur, entre art et réalité, fixer ces parcours et leur donner un sens. En confrontant les visiteurs aux œuvres du musée, j'ai voulu aussi suggérer le cheminement de leurs pensées. Enfin, j'ai aussi voulu ancrer le spectateur à l'intérieur des tableaux et lui faire partager les mêmes sensations que celles de mes personnages... jusqu'à ce que son regard se confonde avec celui du visiteur nomade.
Lionel Tréboit, juillet 2011
Galerie Beckel Odille Boïcos
Text of exhibition book
BEAUBOURG,
THE WANDERING EYE
Beaubourg is a place dedicated to art with a magical feel. It’s a place that can be apprehended easily by strolling between the city, the plaza and the museum.
The art in Beaubourg could not exist without the visitors and their wandering eye. It is this nomadic gaze wandering in between the artworks, the museum galleries and the city that I tried to capture in my painting.
Inside the museum the works come alive when they encounter the visitor. In Regard nomade, Beaubourg, the opposition between the painted figures and the abstract forms of the canvases on the wall dynamizes the picture space. In Exposition Mondrian-Nocturne, the artworks recede or advance in response to the movement of the visitors. When a visitor passes before a painting, the image becomes more intense and seems to escape the limitations of its canvas.
In Le Minotaure, Beaubourg, light shines forth from the museum walls projecting the paintings and the visitors forward onto the picture plane. The wall turns into a screen and the picture space becomes cinematic. At times, the gaze of a passer-by, or a museum visitor, fixes us piercing the painted surface. The gaze of the painted figure draws the onlooker into the heart of the picture and he becomes an integral part of the composition.
From the plaza, the crisscrossing girders of the Centre Georges Pompidou look like a game of Japanese pick up sticks.
In Le Parvis de Beaubourg, I tried reinforcing the graphic structure of the Centre’s skeleton in order to render its architecture more dynamic. At its base, the moving crowd seems to emerge from the architectural skeleton itself, before suddenly melting in between the shaded plaza and the brightly lit structure. At Beaubourg, we rise towards the sky by taking the escalator. We jump on to the first step with a little of the excitement of a child about to start on a ride. We eagerly look forward to the moment when the roofs of Paris appear on the horizon line… and suddenly our sense of space shifts and our gaze is drawn downwards. Below, tiny figures seem paradoxically close at hand. Across the Plexiglas tube of the escalator one feels as if one could almost touch them. After the excitement of the exterior one at last walks, reeling slightly, into the collections inside the museum.
The Centre Pompidou is anchored in the city. In the shadows of rue du Renard, the phosphorescent white of the Centre’s pipes acts like a signal in the city, against which are profiled the furtive silhouettes of passing figures. Turning into the rue Saint-Merri my gaze is caught by the transparent front of the Centre Pompidou. Window reflections and passers by melt into a single space. I have the strange sensation of being inside and outside at once. Across the street, the Stravinsky fountain rejoices in front of the dark Gothic church. The sculptures of Niki de Saint-Phalle look like candy offerings to a child. Imprisoned by their perpetual movement, Tinguely’s automatons mark passing time, and when musicians start playing before this enchanted fountain, reality turns into magic.
In ‘‘Beaubourg, the wandering eye’’ I tried to capture the coming and going of the visitors, their random peregrinations between in and out, between art and reality. I tried to fix their course and give it meaning. By confronting the visitors to the works of art in the museum I also tried to suggest the pattern of their thoughts. At last, I also tried to anchor the viewer inside the pictures so that he could share the same sensations as my figures… so that his gaze becomes as one as that of their wandering eye.
Lionel Tréboit, July 2011
Galerie Beckel Odille Boïcos