LIONEL TRÉBOIT
Texte du catalogue de l'exposition
PASSAGES
L’univers des Gares.
Dès que je franchis le portail de la gare, je me vois déjà loin de toutes choses.
Je me laisse happé par cette atmosphère chargée de voyages passés et à venir, par l’appel de pays lointains.
"L'univers des gares" m'appelle au voyage.
C'est le moment du départ. Le train et le quai se quittent. Aurais-je oublié, un bagage sur le quai? Une part de moi-même? Mon passé ? Je l’espère, car on ne peut s'inventer un avenir ailleurs en s’encombrant de son passé.
D'une gare à l'autre, je réalise que nous faisons tous le même voyage, un voyage en nous même.
Le caractère séquentiel de ma peinture, la récurrence d'un même lieu, notamment dans la série d'aquarelles des parvis des gares parisiennes, exprime ce flux incessant de passants et de voyageurs. Engorgé ou vide, l'espace de la gare évolue au rythme des départs et des arrivées.
… Gare Saint-Lazare : La lumière diaphane des vastes verrières semble filtrée par une lointaine canopée. Eclairés par cette lumière immatérielle les voyageurs ressemblent à des fantômes. La gare est hantée, je m'en doutais.
La gare ne peut être un lieu reposant. Le temps qu’on y passe est trop lent ou trop court selon qu'on arrive en avance ou en retard. L'horloge phosphorescente n'en a cure, là haut perchée elle se prend pour la lune… A l'heure universelle de la gare, les comptes à rebours s'enchaînent perpétuellement. L’espace de la gare devient intemporel.
Cette intemporalité de la gare je l'ai aussi traduite en peinture par la lumière diaphane, par le caractère indéfini et insondable des lieux, par l'évanescence des silhouettes fantomatiques. Cette Intemporalité nous renvoie à nous-mêmes, à notre monde intérieur.
En voyageant on ouvre notre monde intérieur au monde extérieur, jusqu'à ce qu'au plus fort du voyage les deux mondes se confondent. Cette synthèse, je la suggère dans le champ du tableau en fixant les voyageurs dans les perspectives fuyantes de l’architecture de la gare. Le mouvement dans l’espace des passants évoque alors le voyage qui s'achève et celui qui commence, le voyage dans l’espace et aussi le voyage intérieur.
Dans "L'univers des gares", la perspective représente un cheminement dans l’espace de la gare. La gare devient une métaphore pour le long voyage de la vie.
Lionel Tréboit, octobre 2012
Galerie Beckel Odille Boïcos
Text of exhibition book
PASSAGES
The World of the Railway Stations.
The moment I cross the threshold of a railway station I feel far from everything.
I let myself be drawn in by this atmosphere filled with past and future journeys, by the beckoning call of countries far away.
It’s time for departure. The train and the platform move apart. Have I forgotten a bag on the platform? Aprt of myself? My past? I hope so, as we cannot invent a future for ourselves elsewhere if we drag our past with us.
From one station to the next I realize that we are all making the same journey, a journey into ourselves.
The sequential character of my painting, the constant recurrence of the same place, as in the watercolor series of the forecourts of the railway stations, expresses the incessant flow of passersby and travelers.
Full or empty the space of the railway station evolves with the rhythm of arrivals and departures.
… Gare Saint-Lazare: The diaphanous light form the vast glazed roofs seems to be filtered by a distant canopy. Illuminated by this immaterial light the travelers look like ghosts. The station is haunted, I had sensed this.
A station can never be a restful place. Time passes too quickly or too slowly depending on whether we have arrived on time or late. The phosphorescent clock cares not, perched high up, taking herself for the moon.
At universal time countdowns multiply round the clock. The space of the station becomes timeless.
I have translated the timelessness of the station in painting by the diaphanous light, by the indefinite and unfathomable character of the place, the evanescence of the ghostly silhouettes. This timelessness sends us back on to ourselves, to our interior world.
In travelling we open our interior world to the world at large until at the height of the journey the two merge.
I suggest this blending by immobilizing the passengers in the receding architectural perspectives of the station. Their movement in space evokes a journey ended or a journey about to begin, a journey through space but also an interior journey.
In the “World of the Railway Stations” perspective represents a progression through the space of the station. The railway station becomes a metaphor for the journey of life.
Lionel Tréboit, october 2012
Galerie Beckel Odille Boïcos